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jeudi 3 septembre 2015

Restaurant from Hell

Faulty Towers

Aller manger au restaurant devrait être un moment de plaisir, où on se laisse chouchouter et où on se régale de bonnes choses. Ça paraît tout simple, mais réussir une visite au bistrot n’est pas toujours chose aisée.

Tout d’abord, on ne peut pas toujours choisir sa place. J’ai assisté à un ballet surréaliste sur une terrasse à Strasbourg, par une belle journée ensoleillée. Le patron, qui travaillait sans doute autrefois dans une cantine de pensionnat, disait à tous les clients où ils devaient s'asseoir sur sa terrasse: surtout pas à deux tables de quatre personnes, qu’il gardait religieusement pour un hypothétique groupe. Arrivent sept Italiens, qui ont le droit de s'y asseoir. Mais c’était le moment où tout le monde demandait l’addition et le patron garde-chiourme a tant tardé à prendre leur commande qu'ils sont partis. Voilà la pause déjeuner qui se termine et huit belles places en terrasse sont restées vides et interdites aux clients qui ne venaient qu'à deux ou trois (ou pire: seuls !)


Ensuite, les restaurants disco, avec une musique boum-boum, imposée, à plein volume. On y trouve en général des écrans télé sur chaque mur, passant le Top 50, mais qui ne correspond pas à ce qu’on entend. Ou alors le Tour de France ou Roland Garros. Peu importe, personne ne regarde de toute façon.

On retrouve ce même phénomène quand on prend son petit-déjeuner à l'hôtel: la radio est obligatoire, avec l’étape du jour du Tour de France ou l'état des bouchons sur les routes. Avec un peu de chance, la radio est mal réglée et on ne distingue que quelques mots parmi la friture. Même si on voulait suivre les infos, on n'y arrive pas. La radio sert à faire du bruit et rien d'autre. Et si vous avez l’audace de demander qu’on l’éteigne, on vous regardera comme si vous vous étiez échappé de l’asile.

L’enfer des terrasses: des fumeurs à la table d'à-côté. Qui fument entre tous les plats. Qui fument le cigare. Heureusement, plus personne ne fume la pipe. Mais le cigare suffit à vous faire manger à l’intérieur, voire carrément ailleurs.

Si je vois une tablée de gamins, je vais m’installer à l’autre bout de la salle. Car bien souvent, ils hurlent, pleurent, réclament de l’attention et les parents les laissent faire. Dans un passé pas si lointain, les enfants étaient les derniers servis et mangeaient ce qui restait dans les plats. Ils étaient assis à une table à part, parfois même dans une autre salle, voire à la cave. Children should be seen, not heard. C'était le bon vieux temps, on y reviendra peut-être. La génération qui a grandi comme nombril du monde ne tolérera pas les enfants insupportables.

Vient ensuite le dilemme du menu contraint: on ne peut bien sûr pas panacher les menus, mais bien souvent, on ne peut pas renoncer à l'entrée, si c'est quelque chose que vous n'arrivez pas à avaler (comme de l’andouillette), même en promettant de payer le menu au même prix. Après une terrine, même petite, d'andouillette, on n'a tout simplement plus faim. Alors on réceptionne l'entrée, on la touille un peu pour faire plaisir au cuisinier et on attend d'être débarrassé. Tant pis pour la faim dans le monde. On ne peut sans doute pas non plus renoncer au dessert, même si on est au régime ou qu'on est diabétique. Heureusement, de plus en plus de restaurants offrent l'option entrée+plat ou plat+dessert.


Vous aimeriez remplacer le gratin dauphinois par du riz - il y en a avec d'autres plats inscrits sur la carte - mais ce n'est pas possible. Le suprême de poulet sera servi avec du gratin dauphinois, un point, c’est tout! C'est comme ça, sinon c'est l'anarchie!

En France, les restaurants ne proposent que de la viande, de la volaille ou du poisson. Si vous êtes végétarien, passez votre chemin. Idem si vous êtes intolérant au gluten ou au lactose. Les salades contiennent toutes des lardons ou du bacon, ainsi que du fromage.

En voyage dans le Sud-ouest, au sens large, c-à-d tout le quart de la France où les numéros de téléphone commencent par 05, le choix est sérieusement limité au foie gras, aux gésiers et au magret, sous toutes ses formes. Manger de l'oie ou du canard matin, midi et soir finit par être un peu lassant. Vous ne trouverez jamais de choucroute au pays basque ou sur la Côte d'Azur, pour ça, il faut aller en Alsace. On ne trouve pas non plus de couscous, mais c'est sans doute trop connoté.

En France, il n'y a que dans les grandes villes qu'on trouve autre chose que le traditionnel viande-patates. Si vous avez envie de manger thaï ou italien (autre que des pizzas), changez de pays ou allez à Paris ou à Lyon.

Parfois, le service est hyper-lent: il faut attendre 30 minutes avant qu'on ne vous remarque et qu'on vous apporte la carte. Encore 30 minutes pour qu'on passe prendre la commande. Vous demandez des côtelettes d'agneau.... Ah ben, c'est dommage, il n'y en a plus, vous avez trop tardé. Si vous allez seul au restaurant, il ne faut surtout pas lire, car on vous oubliera complètement. Vous pourrez finir Guerre et Paix en toute tranquillité.

de la polenta!
A propos de manger seul au restaurant: on viendra vous retirer votre assiette alors que vous êtes encore en train de mastiquer votre dernière bouchée. Vous occupez deux places et on est pressé de rentabiliser la table.

Venons-en aux plats proprement dits: trop salé, trop cuit, sorti du congélateur puis du micro-ondes. La crêpe froide, donc industrielle, qu'on a oublié de mettre au micro-ondes, nappée d'une sauce chocolat en flacon; les rondelles de bananes sont fraîches, mais uniquement parce la banane refuse de se laisser mettre en boîte ou en tube. Vous commandez des penne au pesto et on vous les apporte carbonara. Les légumes alibi, qui ne servent qu'à décorer l'assiette. En effet, la vraie nourriture, ce sont la viande et les patates.

Les restaurant chics et guindés sont censés être ce qu’il y a de mieux. En ce qui me concerne, trop de cérémonie me coupe l’appétit. Vous aimeriez un peu plus de vin, mais vous devez attendre que le loufiat daigne venir vous servir. S'il est occupé ou qu'il vous oublié, vous n'aurez pas de vin, un point c'est tout.

Downton Abbey
Évidemment, certains restaurants ont tout juste, ce sont ceux qui font tout l'inverse: On respectera votre désir de vous asseoir à-côté de la fenêtre ou sur la terrasse, on n'insistera pas pour que vous preniez un apéritif, on vous apportera la carte assez rapidement.
Si vous mangez seul, on vous laissera tranquille quelques instants à la fin de votre repas.
On vous permettra de choisir un accompagnement qui ne soit pas à base de pommes de terre (vapeur, duchesse, robe des champs, purée, frites, gratin dauphinois). Parmi les desserts, il y en aura quelques uns qui ne sont pas les sempiternels glace, flan, moelleux au chocolat. Les dessert maison, originaux, sont très rares. C'est sans doute difficile à gérer d'un point de vue économique. Le restaurant sympa est celui qui accepte les chiens et où on leur offre spontanément un bol d'eau.

Le festin de Babette
Tous les exemples de service psycho-rigide sont des cas vrais et vécus en France. En Suisse ou ailleurs, on ne prend pas le service au restaurant autant au sérieux. En Suisse allemande, il y a toujours une ou plusieurs options végétariennes, j'ai même mangé un plat de chasse sans gibier: rien qu’avec les accompagnements - spätzle, airelles, châtaignes, poire cuite, chou rouge etc. - il y avait amplement de quoi se rassasier. Il est souvent possible de commander une demi-portion. En Finlande, il y a toujours plusieurs plats sans lactose ou sans gluten. C'est un lourd fardeau à porter que d'avoir la réputation d'être le parangon universel de la gastronomie.

L'aile ou la cuisse

Pour ceux qui voudraient dîner comme à Faulty Towers: ICI


vendredi 24 juillet 2015

Qui a tué le petit commerce ?



De tous temps, j’ai plutôt eu une bonne opinion des syndicats, même s’ils sont à l’origine de grèves qui emmerdent tout le monde. Il m’arrive même de travailler pour les fédérations syndicales internationales, qui prennent la défense de travailleurs vulnérables qui sont au service de grandes multinationales, considérées, de façon pavlovienne, comme des monstres qui exploitent le prolétariat. Les syndicats sont des empêcheurs de tourner en rond, qui, comme toute forme d’opposition, ont au moins le mérite de susciter le débat et de faire bouger les choses, dans le bon sens, peut-on espérer. 

Mais voilà. Il arrive aussi que le syndicalisme se trompe de cible, en prenant aveuglément la défense du pauvre travailleur vis-à-vis du vil employeur, qui est, forcément, une créature dickensienne qui fouette sa main-d’œuvre pour la faire travailler plus dur, tout en la privant de sa dignité d’être humain. Pourtant, combien de fois n’ai-je entendu dire, en conférence, que les PME sont les principales créatrices d’emploi? En effet, sans odieux employeur capitaliste, pas de travail non plus et, par conséquent, pas de revenus pour les gentils travailleurs victimes de la cupidité de leur patron.



Par ailleurs, les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas appris à gérer leurs émotions ni leurs frustrations. Tout leur est dû, sur un plateau d’argent, s’il vous plaît, et à la première contrariété, ils explosent, provoquant une avalanche, doublée d’un tsunami. Ils ne discutent pas, ils attaquent. Certains partent même faire le djihad, tellement ils ont la haine. Ils n’ont aucune idée des réalités du monde du travail: il faut se lever tôt, tous les jours, il faut arriver à l’heure et non, on ne peut pas prendre de pauses à tout bout de champ. Et puis, il faudrait travailler aussi.... mais bof.... c’est trop ennuyeux et puis, c’est fatiguant. 


Alors quand ils se font licencier parce qu’ils ne fichent rien et ignorent les instructions de leur employeur, ils s’estiment victimes de la plus grande des injustices. Ils sont incapables de se demander si leur licenciement pourrait, éventuellement, être la conséquence de leur attitude au boulot et de faire le lien entre la cause et l’effet. Et, au lieu d’en parler, au lieu de discuter ou de dialoguer, ils vont pleurer dans le giron du syndicat, qui volera immédiatement au secours de ces pauvres chous sans défense, sans douter un seul instant de leurs dires, ni vérifier si leurs accusations sont fondées.

C’est ainsi qu’un tout petit patron, qui a de la peine à survivre face aux loyers qui explosent et face à la concurrence féroce du e-commerce, reçoit, début décembre pour des faits remontant à la deuxième moitié du mois de novembre, un courrier comminatoire l’accusant de «faits pénalement répréhensibles» et le sommant de se présenter à une séance de conciliation, avec ordre de donner réponse dans les trois jours. Le syndicat refuse de se rendre compte que le petit patron devra fermer boutique pour répondre à ces injonctions, étant donné qu’il ne peut pas s’absenter de son poste, contrairement à bon nombre de salariés et contrairement au secrétaire syndical, dont c’est le boulot.



Lors de la séance de conciliation, on comprendra rapidement que «les faits pénalement répréhensibles» ne sont que le fruit de l’incompréhension des quatre jeunes (de 19 à 27 ans) qui attaquent celui qui était leur ami encore quelques jours plus tôt. Ils accusaient leur patron de ne pas payer leurs charges sociales, croyant sans doute que ces charges sociales viendraient s’ajouter à leur salaire. Cela a permis de découvrir que l’un d’entre eux, qui pleurait à chaudes larmes parce que son patron ne respectait pas une loi dont celui-ci ignorait l’existence, était plutôt en situation indélicate lui-même – mais nous ne nous étendrons pas sur le sujet.

Le patron sera alors le seul à se faire remonter les bretelles et il fera ce qu’il faut pour se mettre en règle. En effet, il ignorait que la Convention collective de travail (CCT) pour le secteur de la vente de détail, négocié entre les syndicats et les mastodontes du commerce de détail (Migros, Globus et consorts), s’applique exactement de la même manière aux petits commerces de quartier. Personne ne l’en a informé, mais nul n’est censé ignorer la loi. Le citoyen lambda qui essaiera de se renseigner découvrira qu’un arrêté d’extension est entré en vigueur le 1er octobre 2014, mais ça signifie que la CCT s’appliquait à tous les commerces déjà bien avant cette date. Logique et parfaitement clair. 



La CCT impose un salaire minimum obligatoire, pourtant refusé en votation populaire au printemps 2014, précisément parce que cela allait pousser les petits exploitants et les petites entreprises à la faillite. La CCT augmente ce salaire minimum chaque année, le but étant de parvenir à 4000,-/mois en 2018, auxquels il faut ajouter les charges sociales, qui augmentent proportionnellement. Autant dire que tous les petits commerces auront disparu d’ici-là, la tendance est déjà clairement visible.

Avec l’extension de la CCT, une Commission paritaire syndicats-employeurs a été créée, dont le but est de surveiller les employeurs et les entreprises. Les travailleurs, quant à eux, sont forcément purs comme la blanche colombe qui vient de naître.

Du fait de cette même CCT qui a force de loi, il n’existe plus de petits boulots d’étudiants. Les gamins n’ayant aucune expérience du monde du travail doivent être rémunérés exactement de la même manière que des adultes responsables et mûrs. Faut-il dès lors s’étonner que personne ne souhaite les embaucher? Sachant, de plus, que ces jeunes enfants gâtés iront vous dénoncer au syndicat dès le moindre malentendu. On feint ensuite de s’étonner face au phénomène du chômage des jeunes. Evidemment qu’ils arrivent dans le monde professionnel sans avoir la moindre idée de quoi que ce soit, comment pourrait-il en aller autrement?   

A l’avenir, nous irons faire nos courses chez Migros, Manor et Interdiscount, sur amazon et eBay. Les grands magasins ont des pointeuses qui décomptent les arrivées tardives et les pauses cigarette, ils ont aussi des départements juridiques capables d’affronter le syndicat. Quant au e-commerce, fini les flâneries et les achats sur impulsion, les surprises qu’on découvre au hasard d’une vitrine. Finie l’animation dans les quartiers, les arcades seront remplacées par des bureaux ou par Starbucks & C°.

Et si d’aventure vous étiez tenté d’engager du personnel, soyez prudent ! Il est moins risqué de tuer quelqu’un en roulant bourré (l’ébriété étant considérée comme une circonstance atténuante) ou encore de dealer de la coke (il suffit de perdre ses papiers et on vous relâchera illico). Il est aussi recommandé d’engager un juriste et un comptable, afin de ne pas se tromper dans le calcul des charges sociales, des vacances, du 13ème mois, de la LPP et n’oubliez surtout pas l’assurance perte de gain en cas de maladie, sinon, vous vous ferez taper sur les doigts !



A noter que les kiosques ne sont pas tenus de l’appliquer, ce qui explique leur prolifération. Les accordeurs de piano non plus…




Un SMIC à 3300 euros, le point de vue français : ICI

Même Migros et Globus tirent la langue: ICI

Les Suisses disent non à 76% au salaire minimum : ICI
« Les milieux économiques, le gouvernement et les partis de centre et de droite ont au contraire fait valoir que ce salaire minimum, «le plus élevé du monde», n’aurait pas été supportable pour de nombreuses entreprises. Celles-ci auraient été contraintes de se restructurer, de délocaliser à l’étranger voire même de mettre la clé sous la porte. »

CQFD

Voir aussi: Une ville en voie de disparition


mardi 28 avril 2015

GUF: késaco?


Parmi toutes les organisations qui utilisent les services d’interprètes de conférence, les Fédérations syndicales internationales sont peu connues. Elles ont pourtant, elles aussi, négocié et conclu un accord régissant les conditions de travail des interprètes qui travaillent pour elles.
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L’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC) rassemble des interprètes du monde entier, qui travaillent sur différents marchés et principalement dans deux secteurs: le secteur non-conventionné - qui connaît différentes dénominations, telles que marché privé ou PRIMS, dans notre jargon - d’une part et le secteur conventionné d’autre part.

Comme son nom l’indique, le secteur conventionné englobe tous les engagements professionnels qui se font dans le cadre d’un accord négocié entre les interprètes (l’AIIC) et l’organisation qui les emploie. Sur le marché du travail, on appelle cela généralement une convention collective. En échange d’un certain volume de travail et d’une certaine fidélité (parfois relative) de l’employeur vis-à-vis de ses prestataires linguistiques, ceux-ci s’engagent à travailler dans un cadre convenu lors de négociations. L’employeur, quant à lui, s’engage à respecter certaines conditions de travail, telles que la durée des séances ou les périodes de repos. Selon les secteurs (UE, GUF), l’employeur verse une contribution à la prévoyance vieillesse. La rémunération journalière est également définie. Ces accords ou conventions encadrent ainsi toutes les facettes et toutes les situations qui peuvent se poser lors d’une conférence avec interprétation simultanée.

Tout le monde connaît l’ONU ou l’UE comme débouché professionnel pour des interprètes. Il est toutefois un secteur mystérieux et peu connu, même au sein de l’AIIC, et qui porte un acronyme étrange: le secteur GUF. Alors késaco?

GUF est le sigle de Global Union Federation, qui se traduit en français par Fédérations syndicales internationales. De par leur nature internationale, ces grandes fédérations sont forcément appelées à se réunir en plusieurs langues et aux quatre coins du monde. Elles font donc régulièrement appel à des interprètes. La majorité des GUFs - ou FSI - ont leur siège à Genève ou à Bruxelles, où se déroulent la plupart de leurs réunions. Il leur arrive parfois de tenir une réunion régionale ou thématique dans un autre pays et, tous les quatre ou cinq ans, elles ont un congrès qui se tient sur l’un des cinq continents, généralement par rotation.



Les réunions et conférences des FSI se font généralement avec les grandes langues habituelles (en Europe): anglais, français, allemand, souvent l’espagnol, parfois l’italien. Les pays nordiques ayant une longue tradition syndicale et comptant parmi les principaux sponsors du mouvement syndical international ont souvent voix au chapitre et il n’est pas rare d’avoir de l’interprétation suédoise, soit active, c-à-d qu’il y a une cabine suédoise, soit passive, ce qui signifie que les délégués peuvent s’exprimer en suédois, mais doivent écouter une autre cabine lorsqu’ils ne comprennent pas les langues parlées. Il arrive ensuite souvent que, par exemple, la délégation turque ou hongroise ait son propre interprète, souvent un camarade syndicaliste, qui chuchote à côté de ses compatriotes et offre une interprétation en consécutive si celui-ci souhaitait s’exprimer dans sa langue.

Chaque fédération internationale est une organisation qui regroupe, à l’échelle mondiale, les confédérations syndicales nationales, ainsi que les syndicats des branches correspondantes. Ainsi, l’Internationale des Services Publics (PSI) aura comme organisations affiliées les syndicats représentant les fonctionnaires et agents de la fonction publique des différents pays du monde. L’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) rassemble, comme son nom l’indique, les travailleurs de la foresterie et de la construction.


Certaines fédérations syndicales sont très puissantes, comme par exemple AFL-CIO aux Etats-Unis, dont les cinéphiles connaissent le logo, étant donné qu’il apparaît toujours à la fin des génériques des films américains. D’autres grandes confédérations qui ont rang d’interlocuteur dans le débat national sont, par exemple Ver.di ou encore IG-Metall en Allemagne. Ces grandes confédérations syndicales surveillent le monde du travail dans leur pays respectifs et lancent également de nombreux projets d’aide au développement (formation syndicale, aide à la création de syndicats, recrutement de membres etc....), surtout celles des pays du nord ou nordiques (LO-TCO en Suède, par exemple). La Fondation Friedrich Ebert est aussi souvent mentionnée dans les réunions où travaillent les interprètes. 

Les fédérations syndicales internationales suivantes sont celles qui ont conclu un accord avec les interprètes de conférence, représentés par leur association, l’AIIC :


·                    Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB)
·                     Internationale de l’Education (IE)
·                     Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP)
·                     Confédération syndicale internationale (CSI)
·                     Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l'énergie, des mines        et des industries diverses ;  Fédération internationale des ouvriers de la métallurgie ; Fédération 
internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir  [i]
·                     Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA)
·                     Internationale des Services Publics (PSI)
·                    UNI Global Union


L’AIIC fonctionne, elle aussi, telle une GUF pour les membres qu’elle représente, étant donné qu’elle négocie les conditions de travail avec les grands employeurs que sont les organisations internationales, l’Union européenne et d’autres. L’AIIC ne chapeaute cependant pas de syndicats nationaux d’interprètes, qui n’existent pas, mais plutôt des régions et des secteurs. Il n’a jamais été possible de faire de l’AIIC un véritable syndicat, les collègues s’y opposant et la nature de la profession ne le permettant pas (trop grande variété de circonstances, selon les continents, les clients/employeurs et le type de réunion).

Paru sur www.aiic.net

Louis Majorelle

* * * * *
Voir aussi:
Historique et vue d’ensemble du mouvement syndical dans l’histoire et dans le monde.



[i] A noter que la FIOM (Fédération internationale des ouvriers de la métallurgie)  a englobé ICEM (chimie et mines) et ITGLWF (textiles, cuir, chaussures) pour former un nouveau mégasyndicat appelé IndustriALL Global Union. UNI est également le fruit d’une fusion entre la FIET (International Federation of Employees, Technicians and Managers), MEI (Media and Entertainment International), IGF (International Graphical Federation and CI (Communications International) et s’appelle Uni Global Union depuis 2009.


dimanche 22 février 2015

Au Paradoxe Perdu

photo Jérôme Piroué
Il existe à Genève une petit échoppe un peu mythique, un de ces vétérans comme il n’en reste plus beaucoup dans notre bonne ville. En effet, les magasins ayant une certaine ancienneté disparaissent les uns après les autres. Qui se souvient encore de la mercerie à la rue Céard, devenue une boutique Emporio Armani ou encore du poissonnier Ziwi qui est maintenant une pizzeria de luxe? En face, La Gaieté doit être le doyen des petits commerces (1928), surtout depuis le décès d’Henri Zwicky et l’évacuation de son stock Au Vieux Paris. Ce magasin, qui affiche quasiment l’âge du Christ, c’est Au Paradoxe Perdu , autrefois à la place Grenus, avant cela à la rue des Etuves et actuellement au 23, rue des Bains, qui sera sa dernière demeure.

Jérôme, Carl, Patrick et Douglas en 1982
Le Paradoxe a été créé en 1982 par Jérôme Piroué, Patrick Bertholet et Carl de Boulloche. Passionné par le cinéma et grand lecteur de science-fiction, Jérôme rêvait de devenir metteur en scène, écrivain ou libraire. C’est cette dernière option qui se réalisera. Etant devenu orphelin très jeune, il a pu se lancer dans cette aventure grâce à un héritage.
 
Jérôme et Patrick travaillaient auparavant à la libraire La Marge, au passage Malbuisson, les dinosaures se souviendront. A sa création en novembre 1982, Au Paradoxe Perdu a pris ses quartiers à la rue des Etuves, juste à côté de Cumulus (ouvert depuis 1976 !), une librairie spécialisée dans la BD franco-belge. Les deux commerces ont conclu une sorte d’accord de Yalta pour ne pas empiéter l’un chez l’autre: Au Paradoxe Perdu ne touchera pas à Tintin, Spirou, Gaston Lagaffe & C° et Cumulus ne s’intéressera pas aux comics américains ni à la science-fiction. Cet arrangement aurait pu cesser de fonctionner lorsque Au Paradoxe Perdu a déménagé quelques mètres plus loin, à la place Grenus, mais étant donné que L’Oreille Cassée n’était pas très loin non plus, ce partage à l’amiable est resté en vigueur.

Patrick Bertholet derrière la caisse du Paradoxe aux Etuves
Le magasin a tourné à la rue des Etuves de novembre 1982 à fin 1992 (30m2), puis à la place Grenus dès février 1993 (100m2 + 90m2 à l’étage, comme bureaux). Il s’est installé au 23, rue des Bains (90m2) en avril 2011, à son corps défendant. En effet, le propriétaire de l’arcade de Grenus, le patron du cinéma porno voisin, le Splendid, n’a eu de cesse d’obtenir l’évacuation de son locataire. La jouissance de la cave et de l’étage lui ont été retirés et le loyer augmenté, cela va de soi ; puis encore quelques augmentations de loyer et l’expulsion. Résultat des courses: après le départ du Paradoxe, l’arcade est restée vide une bonne année. Elle est maintenant occupée par des bijoux fantaisie. Il se dit que le patron du Splendid aurait voulu installer un club d’un genre particulier dans ce local, mais qu’il n’en n’aurait pas obtenu l’autorisation. Il aura en tout cas réussi à se débarrasser de la librairie qui lui déplaisait tant. Les bijoux fantaisie lui rapportent-ils un juteux loyer? Qui le saura... ?

The place to be !
Les débuts à la rue des Bains ont été difficiles. Les clients ne connaissaient pas la nouvelle adresse, le propriétaire de l’ancienne arcade n’ayant pas accepté l’affichage de l’information «Nous avons déménagé....» dans la vitrine, de toute manière borgne pendant un an. C’est une rue sans beaucoup de passage, même si elle encore relativement au centre-ville et proche de l’université. En face, il y a eu le chantier du nouveau Musée d’ethnographie pendant trois ans. Puis bingo: un arrêt de bus a été installé pile devant la vitrine. Certains anciens clients sont revenus, de nouveaux sont arrivés. On y voit parfois des parents, qui fréquentaient déjà Au Paradoxe Perdu quand ils étaient eux-mêmes gamins, y venir avec leurs propres enfants.


Depuis 1987, Jérôme Piroué est le seul maître à bord du vaisseau spatial Paradoxe. En 1986, alors qu’il séjournait en prison pour objection de conscience, il a été remplacé par un certain Marcello, qui a ensuite continué à faire quelques heures après le retour de son patron. Il est ainsi devenu le premier employé de la boutique. Après le départ des deux autres partenaires, c’est le modèle patron + employés qui a prévalu.

A la rue des Etuves, la librairie vendait essentiellement des livres de science-fiction et des polars jusqu’en 1986, des livres d’illustration, de photo et des importations USA. Des mangas dès 1985-86, lorsque les Etats-Unis ont commencé à publier Akira. Il y avait une demande pour des mangas en japonais aussi, jusqu’en 1996. A l’époque, rien ne paraissait en français et 100 exemplaires de Dragonball en japonais partaient en deux à trois mois. A l’époque, il fallait attendre trois mois pour une commande de comics américains, le magasin a pu en vendre dès décembre 1982. Les ventes ont toutefois rapidement décollé. Les VHS sont apparus dans les années -80, ils étaient achetés directement à Londres, puis importés. Il n’y avait que très peu de t-shirts et de jouets.

Jérôme Piroué (photo Laurent Guiraud, Tribune de Genève)

Autour de cette époque, Jérôme Piroué a fait un voyage aux Etats-Unis, pour refaire le parcours d’un héros d’un roman de Philip K. Dick, de Boise, Idaho à San Francisco. Son fournisseur US a attiré son attention sur la convention de San Diego (Comic-Con), qui se tient chaque été en Californie. Jérôme a fini par devenir un visiteur et un client régulier de cette convention, où il se fournissait notamment en planches originales. Il en a d’ailleurs monté la première exposition dans la minuscule échoppe de la rue des Etuves.

L’épisode de Star Wars, le Retour du Jedi, est sorti en 1983. Les figurines et les jouets ont commencé à sortir dès avant la sortie du film. Le magasin a été obligé de prendre un présentoir spécial pour cette marchandise, qui devait être plein (2000,- à 3000,- de marchandise). Les figurines sont parties en quelques semaines, puis un roulement s’est mis en place. Au bout d’un an, le fournisseur a informé Jérôme que Au Paradoxe Perdu était le plus gros vendeur de Suisse romande. Il a continué à en vendre, même après que La Placette (aujourd’hui Manor) avait arrêté.



Certaines commandes faites pour le magasin ont parfois causé des ennuis avec la douane: une commande du film Maladolescenza (Jeux interdits de l’adolescence, 1977) avec la jeune Eva Ionesco a été saisie pour cause de pornographie. Il est vrai que le film est actuellement interdit dans plusieurs pays pour cause de pédo-pornographie et le DVD est introuvable sauf une version édulcorée disponible en France. Un roman et un film comme Lolita seraient-ils encore possibles de nos jours ?

Certains créneaux sont devenus porteurs tout à fait par accident. Par exemple, lorsqu’un client a voulu commander des VHS de catch féminin, que le magasin n’avait pas en rayon. Le Paradoxe a commencé à stocker du catch, ainsi que les figurines correspondantes. Jusqu’à la fin des années -90, ces produits ont permis de dégager de très bonnes ventes. Il est arrivé la même chose avec les cartes de sport de chez Diamond : le magasin en a commandé trop par erreur, mais elles se sont très bien vendues quand même. Sur la base de cette expérience, Jérôme s'est mis à vendre des cartes Magic et Yu-Gi-Oh!, qui sont très populaires et très demandées. A la rue des Etuves, on trouvait déjà quelques cartes à collectionner Marvel ou DC Comics.

A l’inverse, certains rayons meurent à petit feu, les romans de science-fiction, par exemple. Ce rayon était important jusqu’au début des années -90. Puis, les seuls livres qui se vendaient encore étaient Star Wars ou Donjons et Dragons. Ce rayon a été éliminé lors du déménagement à la rue des Bains, mais en réalité, il était déjà mort depuis un certain temps. Les mangas continuent de se vendre, mais Au Paradoxe Perdu n’en n’a plus l’exclusivité, ce genre de marchandise étant désormais disponible dans les grandes surfaces.

 Au 23, rue des Bains (photo Laurent Pugin)

Les ventes de DVD ont également fortement chuté et le magasin n’en vend plus, sauf quelques exemplaires survivants qui sont en solde. Quand le DVD de Matrix est sorti, il s’en est vendu 120 exemplaires en quelques semaines, puis encore deux ou trois exemplaires par mois. Depuis que les films se téléchargent soit illégalement, soit via Swisscom ou Netflix, les DVD ne se vendent plus du tout. La librairie n’est pas la seule à en pâtir, les cinémas et les vidéos clubs tirent la langue également.

La situation est plus ou moins la même pour les CD de musique de film: il reste encore quelques clients mordus, mais le rayon est faible. Là aussi, iTunes et internet tuent le petit commerce, avec l’aimable concours d’Amazon.

Les baguettes Harry Potter ont rencontré un vif succès, mais le marché genevois est petit et il est maintenant saturé pour ce genre de produit. Les pipes du Seigneur des Anneaux sont encore recherchées et il y a eu un véritable engouement pour les masques de V for Vendetta, qui ont été récupérées par le mouvement Anonymous. Le Paradoxe continuait de répondre à la demande il y a quelques mois encore.



Bref, entre la concurrence d’internet, les loyers qui explosent et le salaire minimum obligatoire*), qui atteindra 4000,-/mois (+ charges sociales + assurances) d’ici à 2018, le petit commerce est mal barré. Le franc fort et le tourisme d’achat contribuent, eux aussi, à ce lent travail de sape. Si vous observez le paysage urbain de Genève, vous constaterez qu’il n’y aura bientôt plus que des grandes chaînes et des dépanneurs (alcool et cigarettes 24h sur 24). Au Paradoxe Perdu finira par tomber sur l’autel du Dieu Argent, après avoir fait rêver des clients de 7 à 77 ans. Un témoignage d’un client fidèle :
"To all my friends that I have ever bored with tales of THE English-language comic shop in Geneva, have a look at the last-but-one venue and owner, friend and all-around dude Jérôme Piroué. If you know your recent comics movies skip to 1 minute 55 seconds to see owner and shop, a home away from home to me in three locations now over three decades, somewhere I feel comfortable and unafraid to be me the way others do in pubs or at sports stadiums or wherever, Oh, and it's in French, no English subs. But I know that's not really a problem for those on my [facebook] feed"
https://www.youtube.com/watch?v=g139Lvl9iIE


Where's Superman when you need him ?


Voir aussi :

www.auparadoxeperdu.com

Le blog d'un grand fan:
https://sadfran.wordpress.com/2016/05/10/souvenirs-dun-comic-shop-au-paradoxe-perdu/ 

Article paru dans la Tribune de Genève le 11 mars 2015 ICI


Revue Point Final N° 1 : ICI

Le Paradoxe Perdu est le titre d’un roman de science-fiction de Fredric Brown

  
A la rue des Bains (photo Arthur Tourtellotte)

* ) le salaire minimum à 4000 CHF/mois a été refusé en votation populaire au printemps 2014, au motif que cela mettrait en danger les petites entreprises et les exploitations agricoles (CQFD). Le Conseil d’Etat genevois a adopté un arrêté en vertu duquel la convention collective pour le secteur de la vente de détail a force de loi et, partant, s’applique à tous les commerces. Les petits commerçants n’en n’ont pas été informés. L’arrêté a été publié dans la Feuille d’avis officielle et nul n’est censé ignorer la loi.

  

Arcades genevoises disparues et remplacés par de grandes enseignes: 

-       Literart, librairie allemande, avalée par Payot et qui sera remplacée, dit-on, par une pharmacie (il y en a déjà 5 ou 6 dans un périmètre de 300 m)

-       Le Radar et la Crémière, remplacés par Benetton

-       Le Relais de l’Entrecôte, remplacé par un restaurant concurrent identique. Forte augmentation de loyer plus que vraisemblable

-       La poissonnerie Ziwi, à la rue de la Rôtisserie a cédé la place à la pizzeria Quirinale, tenue par le prince Emmanuel-Philibert de Savoie - qui est maintenant fermé (4.2016) et sera remplacé par un autre restaurant

-       Au Vieux Paris, liquidation en cours. L’immeuble et les arcades vont subir une rénovation radicale. Les paris sont ouverts : Starbucks, Dessange, un dépanneur…. ? Mise à jour: un salon de beauté et une auto-école occupent dorénavant les deux arcades (4.2016)

-       le très populaire bar à café Cristallina à la rue du Rhône (probablement une bijouterie….)

-       la Coutellerie des rues basses a permis à PKZ de s’étendre

-       les deux restaurants Mövenpick : l’une des arcades abrite maintenant une horlogerie de grand luxe, l’autre a vu défiler une kyrielle de restaurants, actuellement un Mike Wong (fast food asiatique), alors que Mövenpick a très bien survécu à cet emplacement pendant des décennies

-       Tati et toute la galerie annexe de Malbuisson est devenue le très chic Fourty-Two, rue du Rhône , avec une bijouterie Harry Winston. A un jet de pierre de là, on trouve Tiffany. A 500m, un magasin de fringues cède la place à un troisième diamantaire.

-       le tea-room la Biscotte au rond-point de Plainpalais s'est fait déloger. Remplacé par un autre tea room (mais pourquoi diable avoir chassé les tenanciers historiques?)

-       l'antiquaire scientifique à la rue du Perron sera remplacé par un marchand de vélo. Voir ICI

-     La Gaité, magasin de farces et attrapes à la rue de la Rôtisserie. Le magasin aurait fêté son centenaire en 2028. 



Parmi les survivants:
-       L’Araignée rouge aux Eaux-Vives
-       La Gaieté, rue de la Rôtisserie
-       Votre Santé, magasin diététique au Bd Carl-Vogt (1974) 
-       le cinéma porno Le Spendid, voir ICI
-       Informatika, 65 Bd de Saint-Georges, qui existe depuis 22 ans (1993)
-       Cycles Girard, 3-5 rue Hoffmann, depuis 56 ans (1959)

et plusieurs drôles de magasins à la rue des Corps-Saints : une boucherie, un luthier, un grainetier, l’épicerie Lyzamir, un magasin qui vend des machines à écrire….

Sur ce sujet, voir aussi:
et